DEBORAH LYONS AU CONTACT DES RÉALITÉS QUE VIT L’AFGHANISTAN

C’est une voix qu’il faut entendre !
Car la photo de la Représentante spéciale et Cheffe de la Mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan qui illustre notre précédente chronique ne doit pas faire illusion.
Cette femme n’est pas derrière un bureau, mais bel et bien sur le terrain.
Autrement dit son témoignage qui repose sur des réalités qu’elle est en mesure de décrire au contact de ce pays en état de guerre, doit être entendu.

Cette femme ne découvre pas aujourd’hui le marasme qui frappe ce pays.

Forte d’une expérience professionnelle de 21 ans dans les affaires politiques, la coopération internationale et le développement économique, la mission qu’elle assure aujourd’hui se doit d’être surlignée au regard de ses activités précédentes.
Deborah Lyons a été Ambassadeur du Canada en Israël après avoir été, de 2013 à 2016, cheffe de mission à l’ambassade du Canada à Kaboul, mais aussi la seule femme ambassadrice à Kaboul.

Elle a par ailleurs occupé plusieurs postes de direction au Ministère canadien des Affaires étrangères, dont Ambassadeur adjoint à Washington, Secrétaire d’État à la politique et à la planification stratégiques et Directrice des relations commerciales, des finances internationales ou encore de la technologie. Elle a également travaillé au Ministère canadien des ressources naturelles et dans un bureau de conseil privé.

Avant de revenir sur ce qu’elle décrit et dénonce, deux informations sont venues confirmer l’inexorable avancée des talibans en Afghanistan.

Tout d’abord celle relative aux centaines de soldats, policiers et membres des forces de résistance qui étaient postés à l’aéroport de Kunduz et se sont rendus aux talibans avec tout leur équipement.
Ensuite, la reprise par les talibans de deux nouvelles capitales provinciales afghanes, Farah, dans l’ouest, et Pul-e Khumri, dans le nord.

Une situation qui a conduit Michelle Bachelet, Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme à appeler les différentes parties à cesser les combats en Afghanistan et demander aux talibans de mettre un terme aux opérations militaires dans les villes. Mais force est de constater que toutes ces demandes restent lettres mortes.

Or si l’offensive des talibans se poursuit au rythme actuel, ce sont les civils et plus particulièrement les femmes et les enfants qui risquent de payer le prix fort.

La société afghane ayant largement évolué depuis les années 90, comment les talibans s’y prendront ils ?

Women e Life avait eu l’occasion de se faire l’écho de femmes ayant pu intégrer la vie publique et politique. Par ailleurs, l’ensemble des citoyens a pu goûter à une plus grande liberté grâce aux nouvelles technologies, le smartphone étant devenu un outil d’information et de communication particulièrement prisé notamment par la jeune génération.

Alors qu’à l’époque la plupart les jeunes filles n’avaient plus accès à l’éducation passé l’âge de 7 ans ; que les femmes ne pouvaient sortir de chez elles sans être accompagnées par un « mahram », un homme de leur famille; qu’elles se voyaient interdire de travailler ou d’être à la tête d’une entreprise, le retour du talibanisme risque ni plus ni moins de remettre en question les immenses progrès accomplis ces vingt dernières années.

Face à cette situation délétère, la population qui le pourra prendra probablement la route de l’exil. Toutefois, de nombreux civils résidant dans des zones rurales n’auront d’autre choix que de rester sur place, compte tenu des difficultés inhérentes au franchissement des frontières.

Selon l’ONU, les réfugiés afghans principalement présents en Iran et au Pakistan, représentent 2,6 millions de personnes. Un chiffre qui ne pourra qu’augmenter fortement dans les temps à venir.

Les forces de la coalition présentes en Afghanistan pouvaient elles abandonner la population à son triste sort en laissant les talibans profiter du vide sécuritaire provoqué par leur retrait ?

Les pourparlers de paix entre le gouvernement afghan et les négociateurs talibans qui ont débuté l’année dernière dans la capitale qatarie de Doha, n’ayant à ce jour donné aucun résultat, que va-t-il advenir d’ici fin août et après ?

On doit avoir présent à l’esprit ce que déclarait dernièrement Deborah Lyons : « Il s’agit maintenant d’un type de guerre différent, qui rappelle la Syrie, récemment, ou Sarajevo, dans un passé pas si lointain »

Elle ajoutait : « Attaquer des zones urbaines, c’est infliger sciemment des dommages énormes et causer des pertes civiles massives. La stratégie des talibans, augure du probable carnage qui menace de s’ensuivre »

On ne peut que déplorer le départ en catastrophe des forces armées déployées par les pays occidentaux qui ressemble à s’y méprendre à celui qui avait eu lieu au Vietnam, et surtout craindre que l’Afghanistan ne devienne une nouvelle base arrière de l’islamisme radical avec ses risques récurrents.

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