Pour démarrer cette dernière semaine de juillet, Women eLife a choisi de reprendre une image qui a fait le tour du web, en 2019.
Symbole de la colère d’une partie du peuple chilien, cette scène immortalisée par Carlos Vera Mancilla, photographe de Reuters, à Santiago du Chili, durant la commémoration du 43e anniversaire du coup d’État de Pinochet qui a eu lieu en septembre 2016, aurait pu avoir pour légendes « Tenir tête » ou encore » Pas froid aux yeux ».
Cette dernière permet aujourd’hui de porter un regard sur la manifestation organisée à Santiago, le 4 juillet dernier, au cours de laquelle des militantes féministes se sont fait entendre lors de l’investiture des membres de l’assemblée qui sera chargée de rédiger la nouvelle Constitution chilienne prochainement.
Car en mai dernier, les élections de la constituante ont été l’occasion de composer une nouvelle assemblée plus représentative de la société chilienne, où de nombreux candidats indépendants l’ont emporté, dont beaucoup de féministes. Au cœur des revendications, l’obtention de meilleurs droits sociaux et un État plus protecteur.
Alors qu’aux États-Unis, la révocation de l’arrêt « Roe v. Wade » marque l’offensive réactionnaire contre les femmes et tous les opprimés, l’Amérique latine qui a vu fleurir ces dernières années des mouvements féministes massifs, Fait preuve d’exemplarité.
Qu’il s’agisse des assouplissements des restrictions concernant l’avortement, voire sa légalisation, comme cela a récemment été le cas en Argentine, ces mouvements, à l’œuvre dans plusieurs pays (Chili, Uruguay, Pérou, Colombie, Argentine, Mexique), sont loin de se limiter à des manifestations en faveur de l’IVG.
Ils s’étendent à l’ensemble des violences patriarcales, elles-mêmes liées aux politiques menées par les États qui accompagnent des dynamiques économiques alimentant un climat d’extrême violence.
Les filles et femmes qui manifestent pour obtenir la reconnaissance de leurs droits ne comptent pas se limiter à ces seuls sujets. « La parité démontre que notre mouvement est devenu incontournable », assure aujourd’hui Elisa Giustinianovich, membre de l’influente Coordination féministe, bien entourée au moment de définir le cap législatif du pays pour les prochaines décennies. Il est vrai que les 45 des 77 constituantes se déclarent féministes ne comptent pas faire de la figuration.
Mieux, elles entendent doter le nouveau pacte social d’une perspective de genre. À commencer par la brûlante question des droits sexuels et reproductifs.
Avant 2017, l’avortement était complètement interdit au Chili. Depuis, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est autorisée en cas de viol, de danger pour la vie de la femme enceinte ou de non-viabilité du fœtus.
Le texte constitutionnel devra donc assurer aux femmes des garanties fondamentales, comme le droit à disposer de leur corps.
De plus, comme le souligne Elisa Giustinianovich, membre de l’influente Coordination féministe, bien d’autres sujets sont inscrits au rang de priorités, à l’instar de la santé, éducation, travail, retraites…
Autant de thèmes novateurs qui pourraient figurer dans la future Constitution, et ouvrir la voie, par exemple, à la rémunération des tâches domestiques, à la notion de coresponsabilité dans l’éducation des enfants ou encore à la parité dans la haute administration et toutes les instances de pouvoir.
Une véritable révolution dans ce pays jusqu’ici réputé pour son conservatisme, où le divorce n’a été légalisé qu’en 2004.
Alors qu’au Chili les féministes comptent se faire entendre lors de ce débat historique, Manuela Royo, militante pour l’environnement et membre de la Convention constituante, défend vigoureusement le projet qui sera soumis à référendum le 4 septembre.
De toutes ces questions, il sera notamment question à Paris lors de son audition à l’Assemblée nationale.
Trois ans après qu’une jeune Chilienne a tenu tête à la police, symbole de la résistance, sa photo invite les Chiliennes à surtout ne rien lâcher et à ne pas se laisser intimider par des formes de violence qui appartiennent à un passé révolu.
Face à un monde en plein bouleversement, les Chiliennes ont choisi de prendre leur destin en main et de relever des défis dans de nombreux domaines.
Women eLife, magazine féminin français indépendant ouvert sur le monde, apporte son plein soutien aux femmes qui défendent leurs droits dans d’autres pays et rejoignent par leurs prérogatives de légitimes préoccupations et ambitions que partage la société dans son ensemble.