Un média indépendant comme Women eLife, tire normalement sa force et son intérêt d’une approche originale et pertinente du coup de projecteur mis sur des évènements et des personnages qui brillent par leur absence dans l’univers médiatique.
Toutefois, Women eLife qui s’attache à privilégier les idées, projets et actions de femmes, dans tous les domaines, à l’échelle nationale et internationale, ne peut manquer de se faire l’écho de deux témoignages bouleversants recueillis auprès de femmes victimes d’une guerre en Ukraine que personne n’imaginait pouvoir se reproduire aux portes de l’Europe.
Il en va ainsi du voyage vers la liberté d’Azovstal à PoW que raconte Alina Panina, Une Ukrainienne de 25 ans.
Il s’agit de la première grande interview donnée au Guardian, un quotidien britannique, par l’une des femmes libérées lors d’un échange de prisonniers, la semaine dernière.
Alina Panina revient sur le bombardement de l’aciérie de Marioupol, puis sa reddition et sa captivité dans la tristement célèbre prison d’Olenivka à Donetsk.
Après cinq mois d’emprisonnement, cette jeune femme explique comment elle s’est retrouvée, sans explication, au pied d’un pont enjambant une rivière dans le no man’s land avec 107 autres prisonnières de guerre ukrainiennes.
Alors que les prisonniers de guerre russes attendaient à ses côtés que l’échange ait lieu, Alina déclare : « Je les ai regardés fixement, mais ils ne m’ont pas regardé dans les yeux: ils ont regardé par terre. »
Témoignant depuis un hôpital militaire où elle se remet de son calvaire, elle raconte le pur bonheur éprouvé ce lundi matin froid du premier échange de prisonnières de la guerre au cours duquel 108 Ukrainiennes, dont 12 civiles, ont été échangées contre 110 Russes.
« Quand nous avons vu nos soldats, certaines filles n’ont pas pu retenir leurs émotions », précise t’elle. « Ces derniers ont crié gloire à l’Ukraine. Certaines filles ont commencé à chanter l’hymne national de l’Ukraine. Et d’ajouter qu’en entendant leur propre langue parlée par des fonctionnaires de l’autre côté : « Certaines filles ne pouvaient plus retenir leurs larmes et pleuraient. Ils sont tombés à genoux sur le sol. »
Le second témoignage est celui de Viktoria Skliar (voir photo) une autre Ukrainienne interviewée par l’Associated Press aux écuries nommées « Magnat » dans la région de Kyiv.
Elle rapporte que lors des dernières et brèves conversations qu’elle a eues avec son petit ami Kisilishin, 26 ans, prisonnier de guerre ukrainien détenu, ce dernier faisait des projets de vie après sa libération lors d’un échange à venir avec la Russie.
Pendant des mois, Viktoria a gardé l’espoir de retrouver son partenaire, qui avait été l’un des défenseurs de l’aciérie d’Azovstal, dernier bastion des combattants ukrainiens dans la ville assiégée de Marioupol.
Durant sa captivité, elle a continué à recevoir des appels téléphoniques de sa part, bien qu’ils n’aient jamais duré plus d’une minute. Mais, seuls un « ça va » ou » c’est supportable » étaient prononcés, lorsqu’elle lui demandait comment il allait.
Viktoria dit avoir reçu un appel de Kisilishin, 26 ans – et que sa voix était joyeuse. « Il a dit qu’ils seraient emmenés quelque part. Il espérait un échange », a-t-elle déclaré.
Mais elle pense qu’il a été emmené à Olenivka ce jour-là, ou peu de temps après et précise avoir entendu de la Croix-Rouge qu’il ferait partie d’un prochain échange de prisonniers.
Lorsque d’autres prisonniers de guerre ukrainiens sont revenus en septembre, les photos montraient des visages émaciés mais souriants. Skliar pensait alors que Kisilishin était parmi eux.
Or, trois semaines plus tard, il était mort.
En réalité, il est probablement retourné en Ukraine dans un sac étiqueté « Olenivka » – avec 62 autres corps qui ont été échangés le 11 octobre.
Des proches de soldats ont donné des échantillons d’ADN, et des experts travaillent actuellement à l’identification des restes, a indiqué la représentante du service de patronage du régiment Azov, Natalia Bahrii.
Concernant Kisilishin avec lequel elle espérait vivre, Viktoria Skliar en larmes tient quoi qu’il en soit à rappeler : « Il s’est battu pour le peuple libre d’un pays libre ; il a défendu sa ville, Marioupol. C’est un guerrier. Il a le droit d’être enterré dans la terre qu’il a défendue. »
La Résistance féministe antiguerre (Feministskoïe antivoïennoïe soprotivlenié, FAS) qui fait entendre sa voix en Russie, a bien conscience que les Ukrainiennes ne sont pas les seules femmes à être victimes de cette guerre en Ukraine.
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