Bien que Women eLife suive par intermittence les épreuves sportives qui se déroulent actuellement dans le cadre des JO 2024, nous avons estimé que ces olympiades ne devaient pas conduire à oublier un certain nombre d’évènements qui sont, ces derniers temps, relégués au second plan dans les médias.
Et ce témoignage sur fond de guerre à Gaza, vaut mieux qu’un long discours.
Interrogée par Nesrine Malik, chroniqueuse au Guardian et auteure de We Need New Stories: Challenging the Toxic Myths Behind Our Age of Discontent, Besan Imad Mohamed al-Mabhouh, 31 ans, est traductrice et professionnelle des médias à Rafah.
Depuis le 5 mai à Deir Al-Balah, au milieu de Gaza, après que l’armée israélienne ait donné 24 heures aux habitants de son quartier pour quitter leurs maisons, elle met en relief la situation inextricable dans laquelle se trouvent plongés d’autres familles palestiniennes.
Lorsqu’elle a quitté Rafah avec mon mari, ses trois enfants, sa belle-mère, sa sœur, son mari et ses trois enfants âgés de 12, 11, 10, 7, 5 et un an, elle a dû tout abandonner.
Partie en n’emportant que des affaires pour dormir, des couvertures, alors que les maisons de son quartier ont toutes disparu, elle se pose la question : Même si la guerre se termine, où retournerons-nous ?
Nous n’avons toujours pas trouvé de tente. Nous utilisons toujours les choses que nous avions emportées avec nous pour protéger notre pudeur : des couvertures, des draps, n’importe quel morceau de tissu que vous pouvez imaginer. Nous sommes sur le trottoir, mais d’autres n’ont même pas ce trottoir.
Ses réponses à deux questions qui lui sont entre autres posées, confirment ce que nos yeux éblouis par les exploits sportifs ne voient plus.
Quelles sont les conditions de vie à Deir al-Balah ?
Le plus dur, ce sont les toilettes. Certaines personnes bienveillantes nous autorisent à utiliser leurs toilettes ; elles ont pitié des femmes et des enfants. La situation avec l’eau est très difficile. L’eau est de l’eau de mer ; vous pouvez imaginer les dangers de l’eau de mer sur le corps. Nous avons de l’eau douce que nous pouvons acheter. Nous avons du gaz de cuisine mais nous ne pouvons pas cuisiner parce que les choses sont trop chères. Les conserves rendent les enfants malades, alors nous mangeons des choses comme du fromage. Nous avons du pain. Les enfants mangent des sandwichs toute la journée.
Comment vont les enfants ?
Ils sont choqués. Ils dorment sur le sable. Ils ont des infections gastriques, des infections cutanées. Même l’eau douce n’est pas claire, on voit qu’elle est polluée. En tant que mère, comment vas-tu les sortir de leur mauvaise humeur, psychologiquement, quand tu es toi-même sous pression, stressée, tu ne peux pas coexister avec ces nouvelles circonstances ? Tu as quitté ta maison, ta chambre et les mille espaces que tu avais dans ta maison et tu es allée dans un coin dans la rue. C’est très difficile !
Traductrice et travaillant pour des médias, le mari de Besan Imad Mohamed al-Mabhouh, travaillait dans une entreprise de distribution de fontaines à eau. Or tout a disparu. Il ne reste plus rien. L’entreprise a disparu. L’organisation médiatique pour laquelle elle travaillait a disparu. Aujourd’hui, elle travaille en ligne et réalise des reportages et des interviews sur le terrain.
Mais cela ne permet pas de faire face à la situation, car le modeste argent perçu est frappé de commissions lorsqu’il s’agit de le retirer.
Ce que déclare cette femme est symptomatique du caractère délétère de ce que des êtres humains, hommes, femmes et enfants ont à subir au milieu d’une guerre dont on ne perçoit pas la fin: « Ce que nous vivons, aucun être humain ne pourrait l’accepter ».