Une fois de plus, le Comité Nobel norvégien qui attribue chaque année le prix Nobel de la paix, ne s’y est pas trompé.
Après avoir décerné, en 2017, ce dernier à la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN), la désignation cette année du docteur Denis Mukwege et de Nadia Murad, lauréats du prix Nobel de la paix, s’inscrit dans le droit fil de l’actualité touchant les insupportables violences faites aux femmes.
La célébration du premier anniversaire du mouvement #Metoo témoigne d’ailleurs de l’ampleur d’un phénomène, longtemps passé sous silence et, désormais unanimement reconnu et dénoncé, y compris dans les pays développés.
Qu’il soit question de la menace des armes nucléaires comme du recours à la violence sexuelle en temps de guerre, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté en 2008 la résolution 1820 qui dénonce ces actes comme constituant deux violations fondamentales du droit international. Des exactions également mentionnées dans le traité de Rome de 1998, qui régit les travaux de la Cour pénale internationale
C’est donc à juste titre que le Comité a déclaré que l’homme et la femme auxquels est remis le prix Nobel de la paix 2018, ont «contribué à donner une plus grande visibilité aux violences sexuelles perpétrées pendant la guerre».
Le gynécologue congolais Denis Mukwege était pressenti depuis de nombreuses années, son nom figurant sur la liste des candidats présélectionnés depuis environ 10 ans.
L’histoire du centre pour les victimes de viol de la ville de Joy commence en 1999, lorsque Denis Mukwege, de l’hôpital Panzi de Bukavu, alerte le défenseur des droits de l’homme dans la ville.
Il précise alors constater des blessures qu’il n’avait jamais vues auparavant – des femmes violées atrocement, dont les organes de la reproduction ont été endommagés, souffrant de fistules entre le vagin et le rectum infligées non seulement par un viol collectif, mais également par des attaques avec des bâtons, des fusils, des bouteilles.
Nadia Murad, aujourd’hui âgée de 25 ans, a pour sa part été la malheureuse victime de tels actes de barbarie, les membres de sa famille ayant été assassinés. Enlevée en août 2014 avec d’autres femmes yézidies, à Sinjar, dans le nord de l’Irak, a été attaqué par des djihadistes Isis, cette survivante raconte son calvaire en tant qu’esclave sexuelle.
Kidnappée par des militants de l’État islamique dans le nord de l’Irak en 2014, elle est devenue l’une des quelque 3 000 jeunes filles et femmes yézidies qui ont été victimes de viols et d’autres abus.
Deux ans plus tard, parvenue à s’échapper de l’enfer, elle est devenue la première ambassadrice de bonne volonté des Nations Unies pour les victimes de la traite des êtres humains.
Sa lutte visant à exiger que le groupe terroriste rende des comptes pour les crimes de guerre est alors soutenue par Amal Clooney, avocate internationale en droits de l’homme.
En témoignant des abus perpétrés contre elle-même et d’autres femmes, Nadia Murad allait remporter conjointement le prestigieux prix européen des droits de l’homme Sakharov en 2016.
On comprend ainsi que le Comité Nobel ait voulu à juste titre valoriser le rôle des femmes cette année en attribuant le prix à Nadia Murad et au docteur Denis Mukwege. Un Comité qui n’a pas manqué de souligner : « C’est formidable de voir des femmes comme Nadia diriger ce dossier de la même manière qu’elles le font dans le mouvement de désarmement ».
Quoi qu’il en soit, tous deux ont sur la base de leur vécu, contribué à donner une plus grande visibilité aux violences sexuelles perpétrées en temps de guerre, de sorte que les auteurs de ces actes puissent être tenus pour responsables et condamnés.
L’occasion pour Nadia Murad d’exhorter la Grande-Bretagne à suivre l’initiative de l’Allemagne en autorisant les réfugiés de la communauté yézide à s’installer au Royaume-Uni.
En 2015, l’Allemagne avait en effet ouvert ses portes à plus de 1 000 femmes et enfants yézidis qui avaient réussi à s’échapper d’Isis, afin d’offrir des soins physiques et psychologiques pour traiter les abus subis en captivité.
Denis Mukwege et Nadia Murad qui ont mis leur sécurité personnelle en péril en combattant les crimes de guerre et en faisant en sorte que justice soit rendue aux victimes, se doivent d’être salués pour leur courage et détermination qui bien que nobélisés, demeurent des valeurs qui n’ont pas de prix.