Les librairies classées comme des commerces non-essentiels pour cause de confinement sur fond de COVID-19 ayant enfin pu rouvrir leurs portes, Women e Life s’est saisie de cette liberté retrouvée d’accès aux livres indispensable.
L’occasion pour votre webmagazine féminin indépendant ouvert sur le monde de se faire l’écho de l’écrivaine camerounaise Djaïli Amadou Amal, qui a remporté mercredi 2 décembre le 33e Goncourt des Lycéens pour son roman « Les Impatientes », paru chez Emmanuelle Collas.
Africaine et active militante pour les droits des femmes dans les régions peules, son roman nous plonge au cœur des réalités qu’ont à subir des femmes dans la société peule musulmane: mariages précoces et imposés, polygamie le plus souvent mal vécue, terribles violences domestiques, et destins brisés.
Toutefois, force est de constater que si l’histoire qu’elle raconte, s’attache à des réalités qui auraient très bien pu se passer au Sénégal, au Mali, au Burkina, au Soudan, bref, dans 22 pays, les violences faites aux femmes dont il question sont un sujet récurrent qui n’échappent malheureusement pas à l’actualité dans les pays dits développés.
Bien que son roman trouve ses racines à travers sa propre expérience, évoquée dans un carnet de notes qu’elle a choisi de ne jamais publier, sa propre histoire et ses souffrances résonnent entre les lignes. Surtout lorsqu’on sait que des oncles décidèrent de la «donner» à un homme fortuné et influent de plus de 50 ans alors qu’elle n’avait que 17 ans.
Au vu de son expérience, il fallait donc que la vérité soit exposée au grand jour.
Aussi après avoir commencé à écrire pour elle, l’écriture est devenue une sorte d’exutoire, de thérapie en mesure de retenir l’attention d’un large public, son roman s’étant déjà vu décerner en 2019 le prix Orange du livre en Afrique.
Dans « Les Impatientes », Ramla, Hindou et Safira, sont trois femmes aux prises avec la grande affaire des femmes dans la société peule musulmane: mariages précoces et imposés, polygamie le plus souvent mal vécue, terribles violences domestiques, et destins brisés.
Toutes trois se voient intimer depuis toujours un même ordre : « Munyal ! », qui signifie patience.
C’est en effet ce comportement de soumission qui doit leur permettre d’appréhender avec sagesse leur condition – en réalité de se soumettre à l’ordre patriarcal, et de supporter viols conjugaux et vie dans une maison polygame, où tout le monde s’épie, où chaque épouse craint que les autres ne menacent sa situation et celle de ses enfants.
Djaïli Amadou Amal affirme » La littérature m’a carrément sauvé la vie. D’abord, par la lecture puis par l’écriture.»
En choisissant au départ d’utiliser sa plume pour se sortir sa propre situation, cette féministe retranscrit dans son dernier ouvrage des situations qui permettent de ressentir le caractère délétère pour nombre de femmes de devoir se soumettre à un ordre patriarcal qui enfreint leurs droits, tout en les contraignants à souffrir en silence auprès d’hommes violents, abuseurs, impérieux, en rivalité avec d’autres épouses.
Car sauf à opter pour la fugue ou le suicide, ces dernières sont souvent répudiées au bout de quelques années et se retrouvent alors sans ressources.
« Les Impatientes » son premier roman publié en France, apporte la claire démonstration de l’utilité de faire-savoir, de mieux faire comprendre les situations intolérables auxquelles sont confrontées trop de femmes en Afrique, mais aussi sous d’autres formes des femmes un peu partout dans le monde.
Une histoire à trois visages agrémentée d’un style d’écriture percutant qui a permis à Djaïli Amadou Amal, militante féministe et écrivaine camerounaise d’expression française aujourd’hui âgée de 45 ans, de se voir décerner le 33e Goncourt des Lycéens.
De quoi vous donner envie de reprendre le chemin des librairies.