Juliana Rotich, Kényane et pionnière des technologies de l’information et de la communication en Afrique a une devise : « Faites ce que pouvez, là où vous êtes, avec ce que vous avez »
A 42 ans, cette entrepreneure et militante des droits des femmes s’est d’ailleurs vue décerner, la semaine dernière, à Berlin, le Prix allemand de l’Afrique par la chancelière Angela Merkel.
Véritable professionnelle des technologies high-tech, elle compte notamment à son actif la création du premier logiciel open-source « made in Africa », baptisé « Ushahidi » qui signifie en Swahili « témoignage ».
Cette plate-forme permet aux utilisateurs de télécharger et partager des informations sur les zones de crise.
Au moment où elle l’a lancée, le Kenya, traversait les heures les plus sombres de son histoire. Après les élections présidentielles controversées de 2007, des émeutes sanglantes ont fait de 1 300 morts. Et c’est grâce à Ushahidi que des informations relatives à ce climat de violence ont pu être diffusées.
Juliana Rotich travaille également à des solutions techniques destinées à faciliter l’accès à Internet sur tout le territoire africain.
Auteure de nombreux articles concernant l’environnement sur Global Voices, cette conférencière est connue pour ses analyses sur le développement et l’impact des nouvelles technologies en Afrique, mais aussi pour avoir exprimé ses préoccupations au sujet de la perte de zones forestières et de captage d’eau au Kenya.
Aujourd’hui, la plate-forme Ushahidi est utilisée dans plus de 160 pays, notamment en Syrie, déchirée par la guerre, au Népal et en Haïti où les tremblements de terre ont provoqué d’immenses dégâts matériels et fait de nombreuses victimes.
Comme l’a souligné fort justement la chancelière allemande en remetttant à Juliana Rotich le Prix de la fondation allemande pour l’Afrique: « Cette Kényane qui a de bonnes idées fait preuve d’une véritable détermination sur le plan économique et social dont la portée va au-delà de son propre pays. »
Qualifiée de modèle pour de nombreuses autres femmes en Afrique, elle avait déjà été remarquée. En 2011, Juliana Rotich a été nommée «entrepreneur social de l’année» par la Schwab Foundation au Forum économique mondial.
Le 25 avril 2017, elle a participé à une table ronde du G20 à Berlin, avec Angela Merkel, Christine Lagarde, la reine Máxima, Chrystia Freeland, Ivanka Trump entre autres.
Le 4 octobre 2018, elle a été nommée docteur honoris causa de l’Université de Namur.
L’Afrique est un marché en pleine expansion pour les technologies de l’information et de la communication, même si de nombreuses régions du continent demeurent encore largement sous équipées et donc mal desservies par le réseau Internet. Comme le constate Claus Stäcker, président du jury du Prix Afrique, également responsable des programmes de DW pour l’Afrique : « Combien d’idées et projets échouent en Afrique à cause du manque d’électricité et donc d’un accès rare à Internet ». BRCK devrait fournir un moyen de sortir de telles situations grâce au développement de batteries et du recours à l’énergie solaire notamment.
Toutefois, certaines avancées témoignent du possible. Surtout lorsqu’on sait que les paiements en ligne par smartphones sont plus répandus au Kenya qu’en Allemagne.
Juliana Rotich pilote également un autre projet innovant en tant que cofondatrice de la société de technologie BRCK, qui est depuis cette année le plus grand fournisseur Wi-Fi public en Afrique subsaharienne.
Dans son discours, la Kényane a tenu à réciser que le prix n’était pas seulement un honneur pour elle: « Le prix reconnaît également le potentiel d’une économie numérique dans des endroits où l’on ne s’attendrait jamais à une économie numérique » a t’elle déclaré.
Son objectif est donc clair : contribuer à la résolution des problèmes rencontrés au sein de la société en Afrique par l’apport d’innovations technologiques. Il est vrai que l’Afrique qui compte aujourd’hui 1 289 490 422 habitants dont plus de la moitié a moins de 25 ans, devrait voir sa population doubler d’ici 2050. De plus, les jeunes se heurtent à maintes difficultés pour entrer sur un marché du travail exsangue, les entreprises susceptibles de créer de nouveaux emplois enregistrant un rythme de création trop lent.
A l’échelle de ce gigantesque continent de 30 415 873 km2 avec les îles, force est de constater que les nouvelles technologies de l’information et de la communication peuvent bel et bien constituer des leviers en matière d’activités et de créations d’emplois. Les « TIC Made in Africa » pourraient donc bel et bien faire office de déclics salvateurs.