Journaliste pour ToloNews, la seule chaîne internationale d’Afghanistan, il a fallu beaucoup de cran à Beheshta Arghand pour interviewer le porte-parole des talibans, Mawlawi Abdullhaq Hemad, le 17 août dernier.
Diffusée en direct, cette interview a fait sensation à l’échelle internationale.
Tout d’abord parce que c’était la première fois qu’un représentant des Talibans apparaissait en direct dans un studio de télévision, assis en face d’une présentatrice.
Ensuite, cette jeune journaliste de 24 ans, n’a pas hésité à interroger ce dernier sur bien des sujets difficiles et notamment les droits des femmes, après la prise du pouvoir par les talibans à Kaboul et la chute du gouvernement d’Ashraf Ghani cette semaine-là.
Deux jours plus tard, elle réalisait une autre première en interviewant Malala Yousafzai, la militante qui a survécu à une tentative d’assassinat par les talibans.
Se sachant menacée, Beheshta Arghand a cependant pris la décision de fuir son pays sur un vol militaire qatari avec d’autres membres de sa famille.
Invoquant les dangers auxquels sont confrontés tant de journalistes et d’Afghans ordinaires, en dépit des risques qu’elle savait encourir en exerçant son métier, elle a en son âme et conscience, voulu aller travailler et poser des questions difficiles aux talibans, estimant que quelqu’un devait le faire.
Interrogée sur CNN News, elle a déclaré « J’ai quitté le pays parce que, comme des millions de personnes, j’ai peur des talibans », avant d’ajouter à propos de son initiative journalistique : » Je l’ai fait pour les femmes afghanes »
Beheshta Arghand a étudié le journalisme à l’université de Kaboul pendant quatre ans puis a travaillé dans plusieurs agences de presse et stations de radio pendant de courtes périodes.
Ensuite, elle a rejoint TOLO News au début de cette année où elle a travaillé pendant un mois et vingt jours, avant que les talibans n’arrivent et prennent le pouvoir.
En Afghanistan, les risques ne sont pas seulement liés aux talibans.
Les femmes journalistes sont également menacées par ISIS-K, le groupe affilié à l’État islamique dans la région et rival des talibans.
Un groupe auteur de l’attentat suicide du 26 août à l’aéroport international de Kaboul, qui a tué 13 soldats américains et près de 200 civils.
Au début de l’année, en mars, trois jeunes femmes ont été abattues devant la station de télévision où elles travaillaient à Jalalabad, l’ISIS-K ayant revendiqué l’attaque. Ce meurtre ciblé des trois femmes a suivi l’assassinat de Malalai Maiwand, une journaliste de télévision, devant la même station en décembre 2020.
En dépit de son départ précipité, Arghand espère pouvoir retourner un jour en Afghanistan si les talibans respectent leurs engagements en matière de droits des femmes.
Le courage de cette jeune journaliste afghane qui a fait preuve de sa détermination et de son professionnalisme mérite d’être salué.
