On a du mal à le croire tant cette information a de quoi surprendre.
Pourtant, il ne s’agit en aucun cas d’une fake news.
Il est vrai que le motif à l’origine de la déclaration faite dimanche par le président de la Turquie, pays membre de l’Otan, peut apparaître pour le moins rocambolesque.
En cause l’accord qui devait entraîner la prise en charge de la sécurité de l’aéroport Kaboul après le départ américain.
Or ce dernier ne se fera pas dixit Erdogan en l’absence de la formation d’un gouvernement taliban inclusif.
Autrement dit, sans la présence de femmes dans le nouveau gouvernement taliban, le président turc s’interroge à haute voix sur les capacités que peut avoir ce dernier à résoudre des problèmes de fond.
Cette prise de position interpelle. Surtout lorsqu’on se souvient qu’en mars dernier, la Turquie qui fût le premier pays à signer en 2011 la Convention d’Istambul, dont l’objectif vise à protéger les femmes et de lutter contre la montée de la violence domestique s’en est retiré.
Surprenant également lorsque les statistiques émanant de l’Organisation mondiale de la santé montrent qu’en Turquie 38% des femmes sont victimes de violence de la part d’un partenaire au cours de leur vie, contre 25% en Europe.
L’accord international avait divisé le parti AKP au pouvoir d’Erdogan et même provoqué des dissensions au sein de sa famille.
De nombreux conservateurs en Turquie et dans l’AKP à racines islamistes d’Erdogan, affirment que le pacte qui a été signé par 45 pays et ratifié par une trentaine, sape les structures familiales et, encourage la violence.
Certains sont également hostiles au principe de l’égalité des sexes prônée par la Convention d’Istanbul et le considèrent comme une promotion de l’homosexualité, favorisant la communauté LGBTQ+ étant donné la non-discrimination du pacte fondée sur l’orientation sexuelle.
Alors que s’est-il passé pour que Recep Tayyip Erdoğan s’affiche en féministe ?
Faut-il vraiment croire que les interrogations du président turc concernant la sécurisation de l’aéroport de Kaboul en Afghanistan ne tiennent qu’au caractère non inclusif du nouveau gouvernement taliban ?
En réalité, la véritable crainte d’Erdoğan n’est-elle pas liée aux doutes que laisse planer la capacité du nouveau gouvernement taliban d’empêcher le retour de mouvements terroristes comme Al Qaïda ou Daech ?
À moins que Emine Erdogan, une femme réputée forte qui semble remplir son rôle de Première dame à 100%, participe à tous les événements politiques de son époux, n’ait eu son mot à dire concernant l’absence de femmes au sein du nouveau gouvernement taliban.
Quoi qu’il en soit, dimanche, devant le consulat d’Afghanistan à Istanbul, les féministes de Turquie ont manifesté pour exprimer leur solidarité avec les femmes afghanes.
Après la prise du pouvoir par les talibans, elles craignent une régression prévisible des droits des femmes afghanes et appellent le président Erdogan à ne pas reconnaître le nouveau pouvoir afghan.
Une émouvante solidarité qui illustre l’indéfectible volonté des femmes de faire entendre leurs voix pour que leurs droits soient reconnus et respectés en Turquie, en Afghanistan comme partout ailleurs dans le monde.