L’immense élan de solidarité que témoigne le peuple polonais à l’égard des Ukrainiens ayant fui leurs villes et régions en proie aux offensives d’une armée russe qui se livre aux pires exactions, permet fort heureusement à ces derniers d’échapper à la poursuite des crimes de guerre. Toutefois, une autre forme de violence plus insidieuse inquiète les Ukrainiennes, une fois sur le sol de Pologne.
Exilées dans ce bastion de l’ultra-catholicisme et du Congrès mondial des familles, qui a changé ses lois pour faciliter l’intégration et permis l’accueil de 2 millions d’Ukrainiens dont 90 % de femmes et d’enfants, une inquiétude prédomine chez beaucoup de femmes.
Bien quelles soient parvenues à échapper aux bombardements et menaces en tous genres, les Ukrainiennes victimes de viols commis par des soldats russes, savent que la Pologne a ses lois.
Alors que l’Ukraine a autorisé les avortements jusqu’à la douzième semaine, l’interdiction quasi-totale de l’avortement est inscrite dans ce pays à travers une loi votée en 2020.
Son caractère dévastateur pour les Polonaises dénoncé par Amnesty International, Human Rights Watch, l’Organisation mondiale contre la torture et plusieurs autres ONG, génère des craintes chez les Ukrainiennes désormais réfugiées dans ce pays.
Face aux appréhensions dont elles font part, Hillary Margolis, de Human Rights Watch, a déclaré aux médias polonais : « les Ukrainiens ne sont pas habitués à nos restrictions : il y a beaucoup de peur et d’anxiété parmi eux ».
Krystyna Kacpura, avocate et directrice de la « Fédération pour le planning familial et féminin » précise : « Quatre-vingt-dix-neuf Ukrainiens m’ont déjà contacté depuis le 1er mars pour me demander comment avoir un avortement ou la pilule du lendemain »
Justyna Wydrzynska, militante d' »Avortement sans frontières », connaît bien l’État policier qui accompagne les lois liberticides du gouvernement Morawiecki.
Elle sait que pendant des années, les femmes polonaises ont été contraintes de fuir à l’étranger ou de recourir aux mères en raison des restrictions mortelles en matière d’avortement, dont Agnieska, 37 ans, enceinte, décédée à l’hôpital après des semaines de souffrances demeure emblématique.
Ces femmes se sont également tournées vers des ONG qui offrent toute l’aide qu’elles peuvent obtenir.
Or en ces semaines dramatiques, les inquiétudes des Ukrainiennes rejoignent celles des Polonaises.
Dans le pays dirigé par Mateusz Morawiecki, les avortements sont autorisés dans très peu de cas, même si le fœtus est mort ou malformé et que la mère risque sa vie.
Fort heureusement, en décembre de l’année dernière, une campagne éclair du parti Pis au pouvoir visant à interdire l’avortement même en cas de viol ou d’inceste a échoué.
Pour les femmes réfugiées ukrainiennes, cela aurait été une humiliation supplémentaire.
Lorsque les troupes russes ont été repoussées de la périphérie de Kiev et que des charniers, des massacres et des viols systématiques et ethniques sont apparus, Justyna Wydrzynska a appris une nouvelle qui l’a glacée : « Les volontaires qui se sont rendus à Bucha ont dit que les femmes violées là-bas ont peur de venir en Pologne. Elles connaissent nos lois et les craignent. Elles préfèrent essayer de se débrouiller là-bas, dans un pays encore ravagé par la guerre. Un martyre qui ne s’arrête jamais.
Accueillir et soutenir ces femmes innocentes victimes de crimes de guerre est primordial. Il faut aussi prendre grand soin d’enfants, garçons et filles ukrainiens, qui ont été soumis à des scènes atroces, voire ont subi des viols.
Faire preuve d’humanité dans un monde de brutes, apparaît plus que jamais indispensable, même si les soutiens apportés par des hommes et femmes de bonne volonté, ne pourront jamais effacer les drames et la terreur des mémoires.