Incarnée par Michelle O’Neill qui a été élue samedi, première ministre, le Sinn Fein estime que cette victoire électorale ouvre une nouvelle ère pour l’Irlande du Nord.
Il s’agit d’un moment historique et décisif pour cette région sous administration britannique, mais aussi pour le Sinn Féin, qui a remporté le plus grand nombre de sièges à l’assemblée.
C’est la première fois qu’un parti nationaliste devient le plus important depuis la création de l’Irlande du Nord il y a un siècle.
Engagée dans la politique dès l’adolescence, Michelle O’Neill, vice-présidente du parti depuis février 2018, devient pour sa part la première nationaliste à occuper le poste de première ministre dans l’histoire de l’Irlande du Nord.
Selon elle, ce résultat offre « une occasion de réimaginer les relations dans cette société sur la base de l’équité, de l’égalité et de la justice sociale ».
Son succès met en évidence les différents combats qu’elle a dû mener.
Tout d’abord en 2005, lorsqu’elle a brigué et a remporté le poste de conseiller municipal que son père a quitté à Dungannon.
Ensuite, élue maire, elle a été la première femme à occuper cette fonction dans le borough -avant d’être choisie en 2007 pour briguer un siège à l’assemblée dans le Mid-Ulster.
Devenue la porte-parole du Sinn Fein, elle s’est vue confier par son parti la santé et a siégé à la commission de l’éducation.
En 2011, Michelle O’Neill a obtenu son premier rôle ministériel à Stormont, en étant nommée ministre de l’agriculture et du développement rural.
Après les élections de 2016, elle fût promue ministre de la santé, l’un des portefeuilles les plus médiatisés et les plus difficiles de Stormont. L’occasion pour elle de faire face à l’augmentation des listes d’attente dans les hôpitaux, à une crise de la médecine générale et aux conclusions du rapport Bengoa sur l’organisation des soins de santé en Irlande du Nord.
À ce poste, elle supprimera l’interdiction faite aux homosexuels de donner leur sang en Irlande du Nord et a annoncé un plan décennal de transformation des services de santé, affirmant qu’il améliorerait un système qui était au « point de rupture ».
Sur le plan personnel, Mme O’Neill a grandi dans l’histoire des troubles en Irlande du Nord.
En mai 1993, alors que l’IRA s’acheminait vers la fin de sa soi-disant « lutte armée », elle s’est retrouvée enceinte à 16 ans.
Dans une interview accordée à l’Irish Times l’année dernière, elle a déclaré avoir eu des expériences « très, très négatives » en tant que mère célibataire adolescente.
« Je suis allée dans un lycée catholique. On vous faisait presque sentir aux filles que vous ne pouviez pas aller à l’école », a-t-elle déclaré.
Mais au final, elle reconnait que cette expérience a fait d’elle « une femme plus forte ».
Sur le plan politique, il est significatif que, pendant la campagne électorale, Michelle O’Neill n’ait pas mis l’accent sur l’unité irlandaise et sur les discussions relatives à un scrutin frontalier.
Consciente que les gens ne se réveillent pas en pensant à l’unité irlandaise, mais qu’ils sont plutôt préoccupés par la crise économique et sociale et le coût de la vie, elle a affirmé sa volonté de « travailler pour tout le monde ».
Durant la campagne électorale, le Sinn Fein a d’ailleurs présenté la vice-présidente Michelle O’Neill comme la « première ministre pour tous »
Le parti a également pris la décision tactique de se concentrer sur des questions de fond telles que la crise du coût de la vie et la spirale des listes d’attente dans les hôpitaux, des sujets qui ont trouvé un écho favorable auprès des électeurs.
Une stratégie payante pour ce parti qui a récolté 29% des votes, contre 21,3% pour le DUP, 13,5% pour l’Alliance, 11,2% pour l’UUP et 9,1% pour le SDLP.
Élue première ministre d’Irlande du Nord, Michelle O’Neill, 45 ans, a promis de dépasser les divisions en déclarant : “J’offrirai un leadership inclusif, qui célèbre la diversité, qui garantit les droits et l’égalité pour ceux qui ont été exclus, discriminés ou ignorés dans le passé.”
Avec ce résultat, il lui reste à former le gouvernement qui doit être dirigé conjointement par nationalistes et unionistes en vertu de l’accord de paix de 1998.
Mais les pourparlers s’annoncent difficiles. Les unionistes refusent en effet de rejoindre un gouvernement tant que resteront en place les contrôles douaniers post-Brexit, qui menacent selon eux l’intégrité du Royaume-Uni.
Mais Michelle O’Neill qui n’en n’est pas à son premier combat de femme en politique, devra confirmer la présence des femmes fortes de la nouvelle Irlande du Nord.