Zafira Ghafari n’avait que 26 ans, lorsqu’elle est devenue en 2018 l’une des premières femmes maires afghanes.
Sa détermination de se mettre au service de la société civile, un rêve qu’elle caressait depuis l’enfance, l’a toujours amené à assumer de nombreuses responsabilités.
C’est pourquoi, en débutant au Parlement des jeunes d’Afghanistan après avoir obtenu une maîtrise en économie en Inde, elle a pris diverses initiatives.
Tout d’abord, en créant une radio et plus tard en montant une association avant d’engager une démarche pour devenir maire.
Durant son mandat à Maidan Shahr, une petite ville située à 45 kilomètres au sud-ouest de Kaboul (2019-2021) dans la province de Wardak, la jeune maire a été la cible de trois attentats terroristes. Son père a été tué par des hommes armés en 2020. En juin 2021, elle a quitté son poste de maire pour entrer au ministère de la Défense.
En occupant le poste de maire d’une ville très conservatrice d’Afghanistan, elle reconnaît avoir été confrontée à de nombreux problèmes. La première difficulté a consisté à obtenir la confiance de ses administrés. Ensuite, il lui a fallu faire face aux idéologies extrémistes de ceux qui, lorsqu’ils s’adressaient aux femmes, n’avaient en tête que les tâches domestiques. Elle avoue s’être heurtée à des problèmes de dialogue, donner des ordres à des hommes s’avérant souvent impossible. L’insécurité causée par les talibans, avec une mafia à l’intérieur de la ville et une équipe de gouverneurs locaux très corrompus à l’intérieur, lui ont causé de gros soucis, affirme-t-elle.
Contrainte de fuir secrètement son pays avec des membres de sa famille et de se réfugier en Allemagne, en raison de la chute de Kaboul et du retour des talibans, en août 2021, cette Afghane aujourd’hui âgée de 30 ans, qui est retournée dans son pays, n’a pu que constater l’aggravation de la situation sur le plan économique, social, humanitaire, sans parler du refus des talibans d’accorder aux femmes la moindre liberté.
Ce retour dans son pays, où les talibans règnent, a suscité la polémique, certains estimant qu’elle gagne beaucoup d’argent grâce aux donateurs de son ONG, d’autres allant jusqu’à laisser entendre que c’est pour le donner aux talibans.
Toutefois, comme le souligne Zafira Ghafari : « beaucoup de femmes ici croient en ce que je fais. Ce que j’ai dit ces derniers jours en Afghanistan, c’est la même chose que ce que j’ai dit depuis que j’ai quitté le pays, depuis la chute du gouvernement précédent. »
Et ce qu’elle déclare à Nuria Vilà Coma, journaliste pour El Païs, témoigne de son ressenti concernant l’absence d’attention porté par les Occidentaux sur la situation qui prévaut en Afghanistan :
« Aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine, la communauté internationale a oublié d’autres zones de guerre – l’Afghanistan, la Syrie, les territoires palestiniens et tant d’autres. Et c’est vraiment terrifiant.»
D’où le message qu’elle adresse à la communauté internationale, aux gouvernements étrangers ou aux ONG : » Je voudrais que la communauté internationale fasse attention. Je partage la douleur du peuple ukrainien, je ressens de la douleur pour l’Ukraine et son peuple ; mais en même temps, la même crise se passe dans mon pays. Nous avons besoin d’aides pour les fournir aux personnes sur le terrain, en particulier aux femmes qui n’ont personne pour s’occuper d’elles. »
En dépit des menaces répétées dont elle fait l’objet, elle assure assumer les risques qu’elle prend et maintient son engagement envers son pays. Elle a entre autres relancé sa propre ONG, Assistance et Promotion des femmes afghanes, fondée en 2014, qui propose une aide alimentaire, des formations artisanales pour les femmes et des soins médicaux.
Selon Zafira Ghafari: « tout ce qui arrive aux femmes de ce pays est dû aux mauvaises politiques des décideurs et des gouvernements – non seulement à l’intérieur du pays, mais à l’échelle mondiale. »
Bien qu’elle affirme ne pas se faire d’illusions sur les talibans, et être également consciente qu’ils seront désormais au pouvoir en Afghanistan pour quelques années encore, rien ne pourra l’empêcher de poursuivre sa mission et de devenir une actrice engagée du changement et de travailler pour l’amélioration de la vie des femmes.
Suivie lors de son séjour en Afghanistan par une réalisatrice qui tourne un documentaire sur elle pour Netflix, intitulé In Her Hands (dans ses mains), un écrivain l’aidera également à relater ses expériences dans un livre autobiographique, Zarifa : la bataille d’une femme dans un monde d’hommes.