Un article de Katy Hessel*, publié dans The Guardian, quotidien britannique, nous a semblé constituer une excellente façon d’annoncer l’interview de Bénédicte Flye Sainte Marie, autrice de « Je suis née au son du violon » paru aux Éditions Infimes, qu’il vous sera possible d’écouter cette semaine sur Women eLife.
Alors que de la vie de Camille Urso, première musicienne féministe, il est question dans son livre, la journaliste britannique qui a publié de nombreux ouvrages sur les femmes artistes, revient une nouvelle fois sur l’inégale reconnaissance des femmes dans l’univers artistique.
Son parcours dans les plus grands musées la conduit à s’interroger : Pourquoi définissons-nous encore les femmes artistes comme des épouses, des amies et des muses ?
Surtout lorsqu’on constate que même dans les expositions consacrées aux femmes artistes, ces dernières sont le plus souvent avant tout associées aux hommes qu’elles ont connus. Or, comme le révèle un regard dans n’importe quelle galerie, cela ne se produit jamais dans l’autre sens.
Katy Hessel, 28 ans, en veut tout d’abord pour preuve que seulement 1 % de la collection de la National Gallery de Londres est composée d’œuvres d’art réalisées par des femmes.
Elle souligne par ailleurs qu’un rapport Burns Halperin de 2022 a révélé que 11% des acquisitions et 14,9% des expositions dans 31 musées américains entre 2008 et 2020 étaient des œuvres d’artistes s’identifiant aux femmes (et 2,2% étaient des œuvres d’artistes noirs américains), tandis que le volume de les acquisitions de travail par les femmes ont culminé en 2009.
De quoi s’interroger sur l’état de l’art aujourd’hui.
Car ce déséquilibre en termes de représentation des femmes dans l’art, agit comme un microcosme sur la façon dont sont valorisés les genres au sein de la société.
Et cela met en évidence la tâche qui s’impose pour rétablir un juste équilibre.
Katy Hessel a constaté qu’à Whitechapel Gallery de Londres, cinq des 86 brèves étiquettes de 50 mots font référence à des artistes masculins, y compris les maris d’Elaine de Kooning, Anna-Eva Bergman et Lilian Holt. Cela tend à démontrer que les expositions contextualisent encore les artistes féminines par rapport aux hommes qu’elles ont connus.
Bien que réputée pour être la plus progressiste institutions londoniennes, parmi les 22 œuvres présentées par les artistes masculins référencés (Frans Hals et Peter Paul Rubens), il n’y a pas une seule mention des artistes féminines dans leur vie (Judith Leyster et Élisabeth Vigée Le Brun). De plus, il n’y a que neuf femmes artistes dans toute la collection.
En dépit des rares organisations d’expositions d’oeuvres entièrement féminines après des siècles d’expositions entièrement masculines, le caractère sexiste de cette approche se retrouve dans d’autres lieux: à la à la Tate Britain, ou encore à la Royal Academy de Londres.
Interrogés, les commissaires d’expositions justifient cette différence de précisions apportées sous les oeuvres en déclarant que pour les visiteurs : « l’œuvre d’art vient avant l’étiquette et l’artiste avant leur genre. »
En écoutant Bénédicte Flye Sainte Marie qui s’est intéressée à la vie de Camille Urso, première musicienne violoniste féministe, vous comprendrez, sans fausses notes, de quels instruments s’inspire le fonctionnement de la société. Et aurez envie de lire son livre.
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* Katy Hessel est née et a grandi à Londres. Elle a fréquenté l’école de Westminster et a étudié l’histoire de l’art à l’University College de Londres.
Elle a écrit et présenté les documentaires artistiques de la BBC Artemisia Gentileschi (2020) et Art on the BBC: Monet (2022). Elle dirige le compte Instagram Great Women Artists et a créé en 2019 un podcast du même nom dans lequel elle interviewe des historiens de l’art, des conservateurs d’art, des écrivains et des amateurs d’art sur les femmes artistes et parle également aux femmes artistes de leur travail et carrière. En septembre 2022, Hessel a publié le livre L’histoire de l’art sans hommes, une enquête de 500 ans sur l’art par les femmes. Cet ouvrage a remporté le livre Waterstones de l’année 2022. Elle est également devenue administratrice curatoriale de Charleston.