S’il est un grand homme dont un magazine féminin indépendant ouvert sur le monde se doit de retenir l’intégrité et le parcours, c’est bien lui : Robert Badinter.
En s’éteignant vendredi dernier, à l’âge de 95 ans, cet avocat, professeur, ministre, écrivain, militant, qui a marqué par ses idées et actions le XXe et le XXIe siècle, a sans nul doute eu un pincement au cœur de ne pas pouvoir poursuivre sa mission de défenseur des droits.
Car cet homme épris de justice qui a dévoué sa vie à la défense d’une cause, celle d’une justice humaniste affirmait : » un système judiciaire n’est pas de droite ou de gauche, il est humaniste ou répressif. »
Auteur de la proposition de loi du 20 décembre 2001 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale la Cour pénale internationale (CPI), aujourd’hui confrontée à des crimes de guerre dont les auteurs et acteurs seront inévitablement un jour ou l’autre traduit en justice, il laisse derrière lui bien des désordres qui imposeront qu’un jour justice soit rendue.
Sans revenir sur les nombreuses affaires pénales que Robert Badinter eu à traiter au cours de sa carrière d’avocat de premier plan avant de devenir garde des Sceaux, de 1981 à 1986, puis président du conseil constitutionnel de 1986 à 1995, cette figure politique majeure de la Ve République, restera célèbre pour son combat contre la peine de mort, dont il avait obtenu l’abolition en France suite à un discours historique devant l’Assemblée nationale, le 17 septembre 1981.
Être contre la peine de mort, c’est avoir du « cœur » et de la « raison » déclarait-il en affirmant qu' »en vérité » le choix est « simple ». On ne peut qu’être contre la peine de mort si on a de l’empathie, et si on utilise sa raison, donc si on considère tous les faits.
Sa propre histoire avec l’arrestation en 1943 par la Gestapo de son père Simon, déporté et gazé à Sobibor, qui ont conduit Romain Icard à retracer les événements privés et professionnels, apporte un saisissant éclairage sur le sens de la justice de Robert Badinter, et expliquent qu’il ait placé la valeur de la vie humaine au centre de son combat qui ne s’est pas arrêté là.
Car, d’autres actions exemplaires qu’il a menées méritent d’être retenues.
Alors ministre de la Justice, soucieux du droit des victimes, parents pauvres du système judiciaire, il a été à l’origine de la création d’un bureau d’aide aux victimes, via une loi pour permettant une meilleure indemnisation en cas d’attentat ou d’accident de la route.
Robert Badinter a par ailleurs œuvré pour que les justiciables démunis accèdent plus facilement à un avocat commis d’office afin que les conditions de détention soient améliorées, ce qui a donné lieu à la suppression des très décriés quartiers de haute sécurité (QHS), mais aussi à la création de parloirs humanisés.
Toujours à sa demande, les prisonniers se sont vus remettre un Guide du droit des détenus.
Autre fait notable, c’est à Robert Badinter que l’on doit la dépénalisation de l’homosexualité, auparavant considérée comme un délit.
Sans oublier les nombreuses modifications des textes régissant les domaines civil et commercial, ainsi que la fin du secret entourant les nominations de magistrats, aujourd’hui publiées sur un document appelé « transparence ».
Militant pour une justice pénale internationale, tout laisse à penser que Robert Badinter a jusqu’à son dernier souffle de vie constaté avec effroi la folie qui s’est emparée de chefs d’État ou encore d’organisations mafieuses comme de groupes terroristes.
C’est un homme voire une femme d’une rare intelligence et capacité de raison et d’action comme lui qui fait aujourd’hui sans nul doute cruellement défaut. Ce n’est que justice de le dire haut et fort en lui rendant hommage !
Sachant que Robert Badinter se décrivait comme un « hugolâtre », deux citations de l’écrivain et poète du XIXe siècle, permettent à Women eLife de conclure :
“Il vient une heure où protester ne suffit plus : après la philosophie, il faut l’action.” Les Misérables
“On passe une moitié de sa vie à attendre ceux qu’on aimera et l’autre moitié à quitter ceux qu’on aime.” Tas de pierres