Après avoir interdit l’éducation des filles au-delà de la sixième année, mais aussi interdit aux femmes de travailler dans les secteurs public et privé depuis qu’ils ont repris le pouvoir en août 2021, la décision prise dernièrement par les talibans en Afghanistan n’a rien d’anodine.
Selon les informations dont nous disposons aujourd’hui, ces derniers seraient finalement revenus sur cette mesure aussi absurde que préjudiciable, en autorisant les diplômées du secondaire à s’inscrire dans des instituts médicaux publics pour la nouvelle année universitaire qui commence en mars.
Il est vrai que les restrictions imposées aux femmes et aux filles ont « gravement entravé » leur accès aux services de santé et ont bloqué presque toute formation des futures professionnelles de la santé en Afghanistan.
L’agence de presse officielle talibane Bakhtar annonce d’ailleurs que le processus d’inscription a commencé dans plus d’une douzaine de provinces afghanes, suite à une directive du ministère de la Santé publique de Kaboul.
Bien que le secteur de la santé demeure l’un des rares domaines où les femmes sont encore autorisées à travailler, cette directive du ministère de la Santé pourrait avoir valeur de soulagement pour les jeunes filles diplômées, au vu d’une situation critique. Les associations humanitaires affirment que les restrictions imposées à l’éducation et au travail des femmes ont porté préjudice à un secteur de santé afghan déjà fragile, le pays n’ayant pas produit un seul médecin depuis plus d’un an.
Les Nations Unies n’ont pas manqué de souligner, à plusieurs reprises, que l’Afghanistan se trouvait confronté à une pénurie de professionnels de santé qualifiés et de femmes en particulier.
Dans un rapport publié ce mois-ci, Human Rights Watch a également mis en évidence qu’une forte réduction du développement financier et technique étranger a gravement nui au système de santé afghan, et que les restrictions drastiques imposées par les Talibans à l’emploi des femmes a pour sa part exacerbé la crise sanitaire.
En 2022, un rapport publié par Médecins Sans Frontières (MSF), mettait en évidence différents problèmes au cœur de la crise humanitaire qui sévit en Afghanistan, qu’il s’agisse du système de santé dysfonctionnel, d’une pauvreté généralisée et des restrictions accrues imposées aux femmes.
Parmi toutes les personnes interrogées dans ce rapport, 88 % déclaraient avoir retardé ou suspendu la recherche de soins médicaux, ou s’être carrément abstenues de consulter, ce qui représentait une augmentation de 14,3 % par rapport à l’année précédente.
Plus de 60 % des personnes interrogées soulignaient que les femmes se trouvent confrontées à des obstacles plus importants que les hommes pour accéder à des soins de santé, principalement en raison du mahram, une pratique socioculturelle de longue date qui oblige les femmes à être accompagnées par un homme de leur famille lorsqu’elles quittent la maison.
Car cette pratique peut entraver leur capacité à se rendre à l’hôpital, en tant que patientes, soignantes ou travailleuses humanitaires.
En dehors des catastrophes naturelles (séisme, inondation…) de la guerre qui entraîne des blessés auxquels il s’avère impossible de prodiguer les soins indispensables, force est de constater que la rougeole, une infection parmi les plus contagieuses, aux complications pouvant être graves et la malnutrition représentent une combinaison mortelle.
La décision qui vient d’être prise par les Talibans d’autoriser les diplômées du secondaire à s’inscrire dans des instituts médicaux publics, ne résoudra pas tous les problèmes santé d’un seul coup d’un seul. Néanmoins, elle témoigne d’une prise de conscience salutaire concernant la place et le rôle que filles et femmes sont appelées à jouer pour assurer le fonctionnement du système de santé afghan en proie à bien des difficultés.