Grâce à cette superbe exposition, la Fondation Carmignac rend hommage à la diversité et à la complexité de la féminité, loin du simple objet de désir longtemps représenté par des artistes masculins.
Le lieu est d’emblée emblématique puisque plus de 80 œuvres d’artistes sont exposées sur l’île de Porquerolles, le récit fondateur suggérant que cette dernière, située au large d’Hyères (Var), ait été créée lorsqu’une princesse, fuyant un prédateur mâle, se soit transformée ou « terraformée » en une entité géologique, associant la femme et la nature en un tout symbiotique.
Cette histoire fondatrice de l’île, ancrée dans la notion de métamorphose, constitue l’essence qui justifie la conceptualisation originale de l’exposition.
Sur cette île-femme, partant de certaines représentations féminines de la collection Carmignac, la commissaire britannique Alona Pardo*, a conçu une exposition qui interroge les regards posés sur les femmes depuis les mythes originels jusqu’à nos jours.
Au fil d’un parcours thématique, les visiteurs et visiteuses sont invité.e.s à la rencontre des figures féminines tout autant familières que troublantes : femmes sacrées et nourricières (Sandro Botticelli, Mary Beth Edelson, Loie Hollowell), sirènes indépendantes (Kiki Smith, Chris Ofili, Sofia Mitsola), femmes-araignées (Louise Bourgeois, Frida Orupabo), cyborgs augmentés (Lee Bul, Vivian Greven, Tishan Hsu) mais aussi objet de désir (Roy Lichtenstein, Pablo Picasso, Thomas Ruff). Mais aussi bien d’autres…
Toutefois, soyons honnête ! Pour décrire comme il se doit toutes les œuvres exposées dans différentes salles de cet écrin insulaire, seul un bel et riche ouvrage consacré à l’évènement, permettrait de décrire fidèlement tout ce qui contribue à l’émerveillement.
Avec des techniques aussi variées que la peinture, le dessin, la photographie, la vidéo, le collage, la sculpture, la céramique ou encore le textile, les artistes invoquent de nouveaux imaginaires et donnent vie à de nouveaux récits féminins, empreints de puissance (ORLAN, Martine Guttierez, Zanele Muholi) et de jouissance (Laure Provost, Betty Tompkins, Dorothy Iannone, John Currin).
Fortes, lascives, fatales, aimantes, démoniaques, tentatrices ou encore mythiques, les femmes ont été représentées de nombreuses manières à travers les siècles, souvent pour répondre à une vision patriarcale du monde.
À travers les questions d’identité, de sexualité, de plaisir et de pouvoir, The lnfinite Woman met en lumière les regards posés sur les femmes depuis les mythes originels jusqu’aux représentations les plus contemporaines et subversives.
L’art libère ici les corps des femmes des canons de beauté occidentaux et offre des modèles renouvelés défiant non seulement les normes sociales, mais aussi les limites de l’art lui-même et de ses catégories oppressives.
L’exposition adopte une approche transnationale, intergénérationnelle, globale et inclusive, c’est-à-dire qu’elle rassemble le travail d’artistes de différentes décennies, géographies, médiums et stratégies esthétiques pour tracer un parcours qui est à la fois surprenant et ouvert.
Les œuvres présentées dans The Infinite Woman nient ou refusent ces lectures traditionnelles et suggèrent plutôt l’idée de la « femme » comme une entité insaisissable, toujours au-delà de toute définition.
En définitive, il s’agit d’un titre poétique inspiré d’une œuvre éponyme de Shahzia SIKANDER, qui reconnaît l’intersectionnalité et l’étendue des expériences féminines.
Au cœur de l’exposition, sous le plafond d’eau, la célèbre sculpture de Louise Bourgeois, Spider (1995) s’élève entourée d’une fresque murale de l’artiste France-Lise McGurn qui signe également l’affiche de l’exposition et la couverture du catalogue où des silhouettes entremêlées forme une composition délicatement réjouissante et poétique, illustrent cette chronique.
Parce que ce qui beau et trouve son expression artistique sous différentes formes ne peut échapper à votre curiosité, nul doute que vous vous rendrez sur l’île de Porquerolles, longue de 7km et large de 3km, accessible en bateau depuis la Tour Fondue, pour découvrir les oeuvres exposées au cœur de de la villa Carmignac.
* Alona Pardo (1974) – vit et travaille à Londres, UK – est responsable de la programmation à l’Arts Council Collection, au Royaume-Uni, et a été jusqu’à récemment conservatrice à la Barbican Art Gallery de Londres pendant 15 ans. Elle s’intéresse particulièrement aux travaux qui se situent à l’intersection du genre et de la justice sociale et environnementale.
Spécialisée dans la photographie et le cinéma, elle a organisé de nombreuses expositions.