Élue au poste de rectrice de l’Université de Haïfa en Israël, Mouna Maroun, une neuroscientifique et experte en stress post-traumatique (TSPT), prendra ses fonctions en octobre prochain.
Cette précision mérite d’être apportée en préambule de ce qui suit.
Surtout au moment où une étude dite scientifique, menée par une équipe de chercheurs de l’Université hébraïque de Jérusalem, affirme que la quantité et la qualité de nourriture qui entre dans l’enclave palestinienne sont, en termes de calories et de protéines, largement «suffisantes» pour subvenir aux besoins de la population.
Mais aussi alors que l’armée israélienne poursuit d’intenses bombardements qui font d’innombrables innocentes victimes principalement des femmes et des enfants réfugiés à Rafah, qui soulèvent à juste titre l’indignation dans la grande majorité des pays.
Mouna Maroun, 54 ans, Arabe de confession chrétienne (maronite) est membre du corps enseignant de l’université depuis plus de 20 ans et y a obtenu son doctorat en psychobiologie. Ses recherches portent sur la manière dont le cerveau régule les émotions et sur les effets du stress environnemental et infantile sur le cerveau.
Elle a été précédemment entre autres, présidente du département de neurobiologie de Sagol et en tant que membre du sénat académique de l’Université de Haïfa, .
Première Arabe rectrice d’une université israélienne visée par les revendications d’étudiants romands, Mouna Maroun exprime lors d’une interview accordée au quotidien suisse le Temps, son incompréhension face aux demandes de boycott académique qui ont lieu dans plusieurs pays.
Heurtée par les revendications des mouvements pro-palestiniens en Suisse, elle évoque les conséquences qu’aurait un boycott sur les étudiants arabes en particulier.
Elle souligne tout d’abord avoir été, à l’instar de tous les Israéliens, collée à l’actualité en apprenant l’horrible attentat du 7 octobre lorsque les terroristes du Hamas ont infiltré le pays et ont assassiné et kidnappé sans discernement des hommes, des femmes, des enfants, des personnes âgées, des Juifs, des Arabes et des ressortissants étrangers.
Elle reconnaît que les plus de 1 400 personnes assassinées et 240 prises en otages lui valent comme tous les Israéliens d’avoir été et de rester dévastée.
Elle estime que dans ce contexte, la paranoïa, la tension et la peur que ressentent les Juifs lorsqu’ils rencontrent des Arabes sont compréhensibles.
À la question qui lui est souvent posée : « Ne vous sentez-vous pas mal pour les habitants de Gaza et ce qui leur arrive ? elle affirme penser aux nombreux enfants de Gaza qui réclament leur mère, tout comme elle ne peut s’empêcher d’imaginer les enfants juifs captifs du Hamas. Pour ces enfants captifs israéliens et palestiniens qui pleurent de la même manière de peur, je demande : qui les nourrit ? Qui les serre dans ses bras quand ils pleurent ? Qui leur dit que tout ira bien ?
Elle dénonce avec force la responsabilité du Hamas d’avoir cyniquement mené un terrorisme de masse.
Selon Mouna Maroun, faire preuve d’empathie pour une partie dans un conflit n’annule pas la capacité d’avoir de l’empathie pour l’autre. « Cela montre plutôt que vous êtes humain. Les Arabes n’ont pas besoin de choisir un camp dans ce conflit. » Pour le bien de l’humanité, elle implore la communauté arabe d’aller de l’avant et de comprendre de manière intelligente et responsable le récit juif, puisque depuis 75 ans, nous leur demandons de comprendre le nôtre. Pour la première fois, en tant que minorité arabe, nous sommes invités à faire preuve d’empathie et à comprendre le discours de la majorité.
Elle en veut pour preuve que dans la ville de Haïfa, il existe des quartiers mixtes et des immeubles d’habitation mixtes. À l’Université, Juifs et Arabes apprennent et grandissent ensemble. C’est selon elle le paradigme qu’Israël doit reproduire pour sortir de la tragédie d’octobre.
Elle affirme ne pas être contrariée en voyant les affiches en hébreu sur le campus indiquant « Ensemble, nous gagnerons ». Et d’ajouter : « Ensemble, nous pouvons utiliser notre voix pour dénoncer les niveaux croissants de discrimination. »
Elle soutient que les Arabes israéliens et les Juifs sont comme le sel et le poivre : ils ont tous deux leur place sur la table. Ils doivent accepter et chérir leur destin commun en travaillant les uns avec les autres, en s’engageant dans un dialogue significatif et en comprenant qu’en matière de coexistence et de vie partagée, il n’y a rien à craindre.
L’occasion pour la nouvelle rectrice de préciser que c’est exactement ce que l’Université de Haïfa s’engage à faire, l’administration de l’Université réfléchissant aux moyens de baisser la température sur le campus afin que les étudiants puissent réintégrer un environnement apaisé, en dépit d’une rentrée scolaire retardée en raison de la guerre.
Toutefois, à aucun moment Mouna Maroun ne se prononce pour un cessez-le-feu immédiat à Gaza, ni même la création d’un État palestinien et donc l’arrêt de l’occupation du territoire par l’État hébreu.
C’est pourtant là que réside le nerf d’une guerre atroce qui a déjà fait plus de 36.000 morts côté palestiniens, essentiellement des femmes et des enfants.
Il est donc impératif comme le demandent la plupart des chefs d’Etat, l’ONU et les ONG d’arrêter le massacre.
Et de prendre acte de la décision de la CPI de juger et de condamner les responsables tant côté israélien que côté Hamas pour leurs actes criminels.
Alors seulement, d’indépendance, de liberté et de paix, il pourra être question.