Poser cette question à moins de 10 jours des élections européennes en France, n’est pas innocent.
Surtout lorsqu’on sait que les citoyens européens vont élire plus de 700 membres du Parlement européen et qu’une vague de nouveaux députés européens d’extrême droite au Parlement est pressentie au vu de sondages d’opinion.
Selon une étude récente basée sur des entretiens avec 140 députés européens et membres du personnel, la « blancheur normalisée » au Parlement contribue à perpétuer le racisme, donnant à ceux qui cherchent à faire face à la discrimination le sentiment de « crier à un mur de briques ». »
Le Parlement est par ailleurs décrit par Johanna Kantola, professeur à l’Université d’Helsinki, comme un lieu où la blancheur européenne opère comme un privilège incontrôlé, qui sous-tend les relations de pouvoir.
Mais il y a plus grave et préoccupant !
Alice Kuhnke, a beau être une députée européenne de Suède, elle n’est pas blonde au teint pâle mais noire. Et elle a rapidement appris à garder son badge d’identité à portée de main, pour ne pas être refoulée d’office par les services de sécurité.
Son cas n’est pas unique. Pierrette Herzberger-Fofana, une femme politique allemande, membre de l’Alliance 90 / Les Verts (Die Grünen),qui a grandi au Sénégal et a été élue députée européenne en 2019, s’est vue poussée contre un mur par quatre policiers qui ont ordonné à la septuagénaire de se lever, les mains en l’air et les jambes écartées, pendant qu’ils fouillaient son sac. Pendant tout ce temps, la police a refusé de croire qu’elle était députée européenne.
Force est donc de constater que le manque de diversité raciale des députés européens provoque une crise d’identité européenne.
Il n’est pas inutile de préciser que les minorités racialisées représentent environ 10 % de la population de l’UE. Les députés européens issus de ces groupes ne représentaient que 4,3 % du total des législateurs au cours du dernier mandat, selon une analyse du Réseau européen contre le racisme (ENAR).
On comprend qu’après avoir averti que l’institution ne parvenait pas à refléter la diversité au sein de l’UE, le groupe antiraciste craigne que cette situation ne s’aggrave si une vague de nouveaux députés européens d’extrême droite sont élus au Parlement.
Ce manque de diversité a été exacerbé par le Brexit, et a entraîné le départ de neuf députés européens de couleur, dont Magid Magid, ancien député européen britannique en 2020 qui déclare « C’est très pâle et masculin, en toute honnêteté » illustre clairement une situation inadmissible.
Car, les conséquences de cette dissonance sont considérables. Ils vont de la capacité potentielle du Parlement à aborder des questions telles que les inégalités à son incapacité à élaborer des politiques inclusives qui répondent aux besoins de tous les résidents de l’UE.
Autre cas, celui de Patricia Caro Maya, l’une des quatre députées européennes roms au Parlement, qui a déclaré que l’incapacité des institutions européennes à refléter la réalité raciale de l’Europe érodait et délégitimait le projet européen.
Ou encore Özlem Demirel, eurodéputée allemande née en Turquie, qui a déclaré s’être également retrouvée parfois confrontée à ceux qui cherchent à propager des stéréotypes sur les migrants à des fins électorales.
D’où une mise en garde qui doit occuper la conscience des électeurs et électrices lors du scrutin du 9 juin prochain, en France.
Alice Kuhnke a raison de déclarer : « Si nous ne sommes pas conscients de ce racisme, cela peut tourner au cauchemar. ».
Surtout lorsqu’on mesure à quel point le manque de diversité au sein du Parlement prendra encore plus d’importance à mesure que les législateurs européens porteront leur attention sur des questions cruciales telles que la réglementation de l’intelligence artificielle, soulignant le nombre croissant de travaux qui ont mis à nu les préjugés et le racisme qui existent au sein des outils d’IA.
Des jeunes exigeant la justice climatique aux minorités exigeant une place à la table des négociations, en passant par les courageux Européens risquant leur propre sécurité pour aider les migrants à nos frontières communes, Alice Kuhnke a raison de croire en un Parlement européen où la diversité est un atout et non un inconvénient.
Elle estime également que la tolérance zéro à l’égard du sexisme est possible en rendant la formation sur le harcèlement obligatoire.
Elle ajoute que le temps est venu de créer un lieu de travail égalitaire avec des méthodes flexibles afin d’assurer la transparence et la démocratie interne au sein du Parlement européen, mais aussi en mettant fin aux négociations en coulisses.
Croire en un Parlement européen d’une riche diversité est sans nul doute l’un des critères non négligeables dont il importera de tenir compte lors des très prochaines élections européennes.